Action éducative

Les conséquences sociales et territoriales de l'industrialisation

Les documents d'archives qui vous sont proposés sont téléchargeables en format pdf : reproduction en format A4 accompagnée d'un commentaire. Pour chacun sont ainsi indiqués la nature, l'intérêt et les compléments d'information nécessaires à la compréhension. Certains n'ont pas donné lieu à une reproduction mais à une analyse ou à une transcription, consultables directement en ligne.

1 / Les figures de la société industrielle

Approche des documents n°18 et 19

  • Cerner le parcours de Brodard et Hardon.
  • Identifier les caractéristiques d’un notable, son implication dans l’organisation de la société. Identifier les aspects du paternalisme.

n°18 : Un entrepreneur, l’imprimeur Paul Brodard

  • Extraits de l'éloge funèbre de Paul Brodard prononcé au cimetière de Coulommiers le 11 novembre 1929. Transcription du document (AD77, 100 J 867).

Extraits du discours de M. Bourdel au nom de l’Union des maîtres imprimeurs de France, p. 16.

« Imprimeur, Paul Brodard le fut toujours et avant tout. Il le fut pour ainsi dire dès sa naissance. Il avait le culte, je dirai même, la passion, de son métier. Tout jeune, il n’avait pas de plus grand plaisir, en sortant de l’École, que de venir s’asseoir à une case de l’atelier paternel pour composer.

Plus tard, quand, jeune homme, il veut s’initier à la pratique du métier et la pénétrer dans tous ses détails les plus minutieux, il passe, successivement, comme apprenti dans tous les services et acquiert ainsi une expérience technique approfondie, qui lui servira, toute sa vie, à diriger sa maison dans la voie du progrès et à faire bénéficier des confrères de ses solides connaissances professionnelles, de ses études pratiques et de ses réflexions longuement mûries. »

Extrait du discours de M. Jules Lorot, au nom du personnel de l’imprimerie, p. 6.

« Sous sa vigilante impulsion, l’imprimerie se transformait, modernisait son matériel, augmentait la production en même temps que la perfection de ses travaux et prenait dans l’industrie du Livre le rang élevé qu’elle y occupe aujourd’hui.

Cruellement frappé par la guerre qui lui ravit deux fils sur lesquels il avait fondé de grands espoirs, frappé lui-même en accomplissant son devoir et sérieusement atteint dans sa santé, il ne tarda pas à réagir et à reprendre progressivement les habitudes de travail qui soulageaient et atténuaient son lourd chagrin.

Entraîné par l’exemple de ses regrettés parents à compatir aux misères humaines […] et secondé par Mme Brodard, M. Brodard ne cessa d’apporter […] ses conseils et ses encouragements à toutes les œuvres de prévoyance sociale, de mutualité, de solidarité et d’assistance.

Il avait approuvé la création de notre Caisse Mutuelle, il en suivit avec intérêt la progression constante et facilita son développement en lui accordant les larges subventions grâce auxquelles elle assura à ses membres : des allocations journalières permettant d’atténuer […] la gêne causée par la maladie, des allocations à la natalité, d’importantes allocations familiales, […] des allocations-vieillesse, des allocations au décès, etc. […]

La question de l’apprentissage faisait également l’objet de ses préoccupations et les cours institués à l’imprimerie sont régulièrement suivis. »

Extrait du discours de M. Pierre Mortier, maire de Coulommiers, au nom de la municipalité et des amis de Paul Brodard, p. 9. 

« Simplement, sans commentaire, comme on lit des états de service, comme on proclame une citation, je veux rappeler quelques-uns de ses postes qu’il a occupés :

Paul BRODARD : Officier de la Légion d’Honneur, Croix de guerre, Officier de l’Instruction publique, Officier du Mérite agricole, titulaire des médailles d’Assistance et de Mutualité, Maître imprimeur, membre du Comité Central des Maîtres imprimeurs, entré dans l’imprimerie Brodard en 1880, à l’âge de 15 ans, patron en 1903, mort le 7 novembre 1929.

Conseiller municipal depuis 1908, maire de Coulommiers en 1911, […] Juge de paix suppléant, Vice-président de la Chambre de Commerce Meaux-Coulommiers, Vice-président du comité départemental d’hygiène publique, […] Président de la Société d’agriculture, […] administrateur de l’Hospice, trésorier du Dispensaire d’hygiène sociale, membre de l’Office municipal d’habitations à bon marché, Vice-président de la Société de gymnastique, ancien capitaine des Pompiers […] Quelle énumération, et si longue qu’elle apparaisse, je suis certain qu’elle est encore incomplète ! »

n°19 : Un ingénieur, l’agronome Alphonse-Eugène Hardon

  • Extrait du Dictionnaire biographique de Seine-et-Marne, 1893 (AD77, 8°2012). Transcription du document.

« Né à Paris, le 28 avril 1852. Sortit de l’École centrale en 1875, avec le diplôme d’ingénieur, après avoir fait d’excellentes études. Se consacrant dès lors à l’agriculture, il appliqua ses connaissances scientifiques à l’étude des améliorations agricoles et de l’économie agricole. Il fit de la pratique dans le domaine de Courquetaine qu’il créa en défrichant des bois et en construisant une ferme modèle spécialement destinée à l’industrie laitière. Il fut un des promoteurs de la vente du lait pur en boîtes fermées portées chez le consommateur.

Cet agronome distingué obtint pour ses cultures les plus hautes récompenses, puis il devint membre des jurys des concours départementaux et ensuite des concours généraux. À l’exposition universelle de 1889, M. Hardon fut le secrétaire général du groupe de l’agriculture, membre du comité supérieur et secrétaire du jury supérieur. […]

Il fut conseiller général républicain du canton de Tournan pendant huit années. […]

Nommé chevalier de la Légion d’honneur peu après l’Exposition universelle de 1889, il obtint ensuite les palmes académiques et le Mérite agricole. […]

Madame Hardon créa à Melun le Comité des dames Françaises de secours aux blessés. Elle en est la présidente et apporte à cette œuvre un dévouement absolu. »

Approche des documents 20a et 20b

Dégager les grandes caractéristiques d’un foyer ouvrier : composition du foyer, condition matérielle, alimentation.

  • En annexe 3 : enquête du Ministère du Travail et de la Prévoyance sociale sur les conditions de la vie ouvrière et de la vie rurale, dans la commune de La Ferté-sous-Jouarre ; AD77, M 7873 

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n°20a : enquête sur la condition ouvrière, Meaux

  • Deux résultats de l’enquête ministérielle menée en 1914 (AD77, M7873). Restitutions du questionnaire de l’enquête original.
Composition du foyer Maladie ayant sévi l’année de l’enquête
Chef de famille (né en 1866) Conjonctivite (2 semaines)
Conjointe (née en 1866)  
Enfants (sexe/date de naissance)  
F (1890)  
M (1892) Rhumatisme (6 semaines)
M (1894) Accident de travail (coupure de la main, un mois)
M (1899)  
F (1902)  
M (1906)  
M (1909)  
   
Enfant résident hors du ménage Motif
M (1890) Soldat
   
   
Habitations  
Loyer annuel = 180 francs Superficie = 50 m
Cuisine ? non WC particulier ? non
Pièce sans fenêtre = 1  
   
   
Trajet logement/travail  
Distance = variable Mode de transport = à pied
   
   
Revenu annuel du foyer  
Chef de famille Maçon = 1875 francs
Enfants Bonne d'enfant = F née en 1900
   
Durée du travail du chef de famille  
Jour de repos (dimanche et fêtes) 64 jours
Chômage (hors maladie) 20 jours
Jours de maladie aucun
   
   
Budget hebdomadaire du foyer  
Viande (5 kilos) 8,50 francs
Lait (14 litres) 2,50 francs
Pain (17,5 kilos) 6,55 francs
Vin (7 litres) 2,80 francs
« Le chauffage est obtenu par le bois que les enfants vont ramasser »
Denrées produites à la maison : « tous les légumes, 60 lapins, 30 poules et leurs œufs, un porc »
 
   

 

Commentaire de l'enquêteur :

« Dans la plupart des cas, si la famille ouvrière ne parvient pas à équilibrer son budget, c’est soit :

  • par suite du chômage volontaire ou forcé de l’ouvrier chef de famille
  • par suite de maladies
  • par suite de dépenses irrégulières attribuables à un défaut d’ordre ou à l’intempérance

Il est à noter que, dans le ménage ouvrier dont les ressources sont modestes, le vin et la viande sont généralement réservés à ceux des membres du ménage qui travaillent et plus particulièrement à l’homme. Le reste de la famille ne consomme de la viande qu’accidentellement. […] L’une des charges variables de la famille est aussi le loyer. Dans le cas présent, le ménage habite à proximité de la ville mais hors la ville et a aussi plus de facilités pour avoir son jardinet. En ville, les loyers sont en effet beaucoup trop élevés. »

2 / De nouveaux rapports de force

Approche du document 21

Identifier les motifs et les acteurs de la grève.

  • En annexe 4 : comptes rendus de la grève des mouleurs de la fonderie Frébault dans la commune de Dammarie-lès-Lys (AD77, M 7863)
  • Pour aller plus loin : voir le Bloc-notes n°1 sur le Front populaire 

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n°21 : la grève

Transcription synthétique de trois comptes rendus du ministère du Travail (AD77, M 7863)
  1911
Grève des tailleurs de pierre à Souppes et Château-Landon
1913
grève de mouleurs à Dammarie-lès-Lys
1913
grève d’ouvriers agricoles au Mesnil-Amelot
Nombre de grévistes/nombre d’ouvriers 130 sur 150 1re grève : 13 sur 30
2e grève : 11 sur 30
38 charretiers + 7 bouviers sur 70
Nombre d’établissements touchés 4 1 7
Les ouvriers ont-ils formé un syndicat ? Oui « Étrangers aux pays ; faisaient tous partie d’un syndicat » Non
Début et fin de la grève 19 août - 10 décembre 1re grève : 18 mai-21 mai
2e grève : 11 juillet-12 août
19 au 22 mai
Combien de grévistes définitivement renvoyés ? 10 ouvriers 1re grève : 1
2e grève : 11
Aucun
Causes déterminantes de la grève « Suppression du travail à l’heure par le travail à la tâche pour certains travaux. » 1re : renvoi d’un camarade
2e : renvoi d’un camarade prévenu 15 jours auparavant qu’il devait « modifier son allure au travail »
Demande d'une augmentation de salaire
Demande des ouvriers au début de la grève « Travail à l’heure pour tous les travaux et signature d’un contrat de travail » « Renvoi du contre-maître et du comptable pour le motif qu’ils n’étaient pas des leurs comme syndiqués ; ils demandaient en outre que le patron n’apparaisse dans l’usine que le jour de paie et encore, ainsi que la nomination d’un contre-maître pris parmi eux » 4,50 francs toute l'année
Propositions des patrons au début de la grève « Travail à la tâche pour certains travaux et à l’heure pour d’autres » « Le travail a repris un mois après, aux mêmes conditions, mais avec une équipe nouvelle » 4,50 francs pendant 5 mois, 4,25 francs pendant 3 mois, 4 francs pendant 4 mois
Conditions auxquelles le travail a repris « Le travail a été repris sous conditions (à l’heure et à la tâche) » « Le travail a repris un mois après, aux mêmes conditions, mais avec une équipe nouvelle » 4,50 francs pendant 5 mois, 4,25 francs pendant 3 mois, 4 francs pendant 4 mois
Salaire avant la grève/après la grève 0.65 francs de l’heure par jour / idem après la grève Mouleurs : 8 francs par jour / idem après la grève
Manœuvres : 4.50 francs par jour / idem après la grève
4,25 francs / 4,50 francs
Durée du travail journalier avant la grève/après la grève Été 11h, hiver 9h / toute l'année 10h /10h 12h/12h
Mode de règlement du conflit Demande de conciliation déposée par les ouvriers auprès du juge de paix en septembre ; Demande de conciliation par le maire de Souppes en décembre. Les patrons ont refusé la conciliation. Intervention du juge de paix du 3 juin au 24 juillet. Intervention du sous-préfet de Meaux

 

3 / Des territoires aux destins divers

Approche des documents 22 et 23 : de nouveaux territoires

Comparer les cartes pour comprendre l’évolution de l’espace à différentes échelles :

  • apparition du chemin de fer (croiser avec le document n°12) comme axe structurant de l’espace
  • urbanisation et attraction de Paris
  • rationalisation de l’espace autour de l’usine et matérialisation spatiale du paternalisme
  • usine et gare comme nouveaux pôles de vie

Pour aller plus loin : possibilité de travailler sur les plans d’intendance des autres communes présentes sur la carte 22b via la rubrique Archives en ligne de ce site.

n°22 et 22b : naissance de la banlieue

Comparaison des environs de Chelles à la fin du XVIIIe siècle (plan d'intendance) et en 1945 (extrait de carte).

  • Plan d'intendance de Chelles (AD77, 1 C 45/7) 

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n°23 : l'usine et la cité ouvrière

  • L’exemple de l’usine Menier à Noisiel (plan vers 1900) ; AD77, Az 15) 

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Approche des documents 24 et 25 : espaces ruraux en crise

  • Pourquoi peut-on qualifier ces communes de communes en déclin.
  • Quelles sont les raisons du déclin ?

n°24 : conditions de la vie ouvrière et de la vie rurale, Dontilly

  • Transcription synthétique de l’enquête du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale sur les conditions de la vie ouvrière et de la vie rurale. Rapport de Mr Burin, instituteur de Dontilly, janvier 1914 (AD77, M 7873).

« Les cultures sont à peu près les mêmes qu’il y a trente ans, sauf en ce qui concerne les terrains plantés en vignes qui ont été convertis en terres labourables. Mais la culture a fait des progrès sensibles par suite de l’emploi des engrais chimiques et des machines agricoles. Pourtant le prix des terres a diminué d’au moins moitié et les loyers ont subi une diminution d’un tiers. Cela tient à ce que la plupart des enfants de cultivateurs abandonnent la profession de leur parents pour aller se fixer à la ville.

Il y a trente ans, la commune comptait trois tuileries en activité ; aujourd’hui, il n’y en a plus qu’une. Il y a aussi de grands changements dans les conditions de la vie. On a pris, malgré la cherté de la vie, des habitudes de bien être qui n’existaient pas autrefois.

La cause de l’émigration vers les villes vient de ce que les jeunes gens trouvent le travail de la culture trop rude, et qu’ils espèrent trouver dans les villes un travail moins fatigant et plus rémunérateur.

Les familles nombreuses sont bien plus rares qu’autrefois. On n’en trouve que dans la classe presque indigente. Cela tient probablement à la cherté de la vie et aux habitudes de bien être prises par la population. »

n°25 : conditions de la vie ouvrière et de la vie rurale, Chatenay

  • Transcription de l’enquête du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale sur les conditions de la vie ouvrière et de la vie rurale. Rapport de l’instituteur de Chatenay, janvier 1914. (AD77, M 7873)

« Depuis 30 ans :

1- Les cultures n’ont pas varié dans leur nature mais dans leur rendement grâce à l’emploi des engrais chimiques.

2- Le prix des terres n’a pas beaucoup varié […]

3- Les terres sont louées au même prix qu’il y a trente ans […]

4- L’émigration se fait en général vers Paris, surtout pour les jeunes gens. Les causes :

a. On délaisse le travail agricole qu’on estime trop pénible

b. On est tenté par les gains plus élevés

c. On recherche l’attraction des grandes villes

d. On recherche les retraites qu’assurent les administrations (chemin de fer en particulier)

5- Famille nombreuse : causes difficiles à déterminer. Elles ne sont pas spéciales à cette commune mais à la France entière. Raison principale : on voudrait plus de bien être dans la famille.

Cette commune subit la loi générale de la grande banlieue de Paris. Les jeunes gens travaillent encore aux champs jusqu’à leur départ pour le régiment, mais il est rare qu’ils n’essaient pas, le temps du service achevé, de trouver une place dans une administration.

Le mouvement de l’état civil est significatif à cet égard. Beaucoup plus dans ces dernières années de décès que de naissances. »

NB du professeur relais :

  • Nombre d’habitants dans la commune en 1911 : 621.
  • Nombre de naissances en 1911 : 6.
  • Nombre de personnes ayant quitté la commune en 1912 pour se fixer ailleurs : 17 ; en 1913 : 11.