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Archives
À la fin du XVIIIe siècle, de nombreuses voix s’élèvent pour critiquer le mode de répartition de l’un des impôts les plus impopulaires de l’époque, la « taille ». Chaque paroisse doit contribuer au paiement de cet impôt au prorata de son importance et de ses richesses, qui sont alors essentiellement agricoles. Or l’étendue de ces circonscriptions, tout autant que leur mode d’exploitation, est alors très mal connue. Les responsables de la collecte font donc chaque année une estimation de la part à payer par chaque paroisse, de manière très subjective et approximative.
Si le mode de répartition de la taille entraîne les protestations de la population, elle ne satisfait pas non plus le pouvoir. Sur le plan local, celui-ci est notamment exercé par l’« intendant ». À la tête de la « généralité », sorte de région administrative de l’époque, ce haut fonctionnaire de la royauté possède des pouvoirs administratifs, judiciaires, fiscaux. À partir de 1776, l’intendant de la généralité de Paris est Berthier de Sauvigny, qui succède à son père. Marqué par les idées des Lumières, il cherche à introduire davantage de justice dans le système et à le rationaliser.
Pour rationaliser le système, Berthier de Sauvigny ordonne dès l’année de sa nomination que soient progressivement mesurées l’ensemble des 2117 paroisses de sa généralité. Or celle-ci s’étend bien au-delà des frontières de l’Île-de-France actuelle, en amont de l’Yonne et en aval de la Seine. L’entreprise durera quinze ans... De fait, il ne s’agit pas seulement de mesurer l’étendue de chaque paroisse : les arpenteurs doivent également mesurer la superficie de chaque culture ou de chaque mode d’occupation du sol.
Forêts, vignobles, terres fourragères et hameaux de chaque paroisse font ainsi l’objet de relevés, consignés dans un procès-verbal. Les arpenteurs dressent ensuite un plan, à l’encre et au lavis, où sont représentés tous les éléments du paysage et où chaque culture est indiquée par une teinte de couleur différente.
Contrairement aux cadastres dressés dans d’autres généralités, ou encore au cadastre napoléonien, les plans d’intendance ne permettent pas de connaître la taille de chaque parcelle exploitée. Ils sont néanmoins remarquables par leur exhaustivité et leur qualité, tant graphique que technique. Les arpenteurs employés par Berthier étaient en effet très compétents et leurs mesures restent encore en grande partie valides.
En outre, les plans représentent une source d’informations remarquables pour connaître les transformations du paysage : propriétés aujourd’hui disparues, cultures anciennes, forêts défrichées sont ainsi ressuscitées sous nos yeux. Seules quelques cartes manquent, sans que l’on sache si elles ont disparu ou si elles n’ont jamais été réalisées. Parmi ces lacunes figurent notamment les paroisses de Meaux, Coulommiers ou Fontainebleau (pour cette dernière, les Archives départementales conservent néanmoins le procès-verbal d’arpentage).
Berthier ne put se féliciter d’avoir mené à bien cette titanesque entreprise : il fut en effet l’une des premières victimes de la Révolution, décapité lors d’émeutes survenues à Paris, le 21 juillet 1789.