Action éducative

Exploiter et protéger une ressource « naturelle » : la forêt de Fontainebleau depuis Colbert

Des ressources pour la classe proposées les Archives départementales de Seine-et-Marne.

Chers professeurs,

Ce dossier s’inscrit dans le jalon 1 de l’axe 1 du thème de l’enseignement de spécialité histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques de terminale générale consacré à « la forêt française depuis Colbert ». Quelques éléments serviront aussi à traiter le jalon 3 de l’axe 2 « l’évolution du climat en Europe du Moyen Âge au XIXe siècle ».

Les documents présentés ici sont tous issus des fonds des archives départementales de Seine-et-Marne. Celles-ci conservent notamment les archives de la très ancienne administration des eaux et forêts (série B) qui alimentent en grande partie ce dossier. D’autres fonds importants ont aussi été explorés comme ceux conservant les archives militaires, les archives des communes riveraines, les archives d’associations, les archives privées, la presse.

La pluralité de ces sources illustre un point fondamental de ce sujet : la multiplicité des usages et des acteurs de la forêt de Fontainebleau. Forêt de production, réserve de chasse, terrain de manœuvre militaire, réserve naturelle, paradis du randonneur ou du grimpeur, poumon vert de l’Île-de-France… chacun a un regard propre sur la forêt de Fontainebleau. Exploiter et protéger, ces verbes a priori contradictoires, s’appliquent parfaitement à la forêt de Fontainebleau et ce depuis – au moins – la fin du XVIIe siècle. Forêt destinée à être exploitée afin de pouvoir produire le bois, les pavés de grès, le sable, nécessaires aux usages des riverains mais aussi de l’État ? Ou forêt à protéger pour constituer un immense espace de loisirs, des rois d’abord puis de la population depuis l’avènement du chemin de fer ?

Du XVIIe siècle à nos jours cette contradiction s’exprime à travers les archives qui conservent les traces de nombreux conflits d’usage entre tous ceux qui pratiquent la forêt.

Cependant la forêt de Fontainebleau, espace très largement anthropisé, accueillant des millions de visiteurs chaque année, demeure un laboratoire de la préservation de la nature en France, de la réserve artistique de 1861 à la création de l’UICN en 1948, voire à son inscription au patrimoine mondial de l’Unesco.

Bonne découverte,

Olivier Plancke, professeur-relais de la Daac aux Archives départementales de Seine-et-Marne

Dossier réalisé en juin 2023

Repères

1. Programme d’histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques de terminale générale

Thème 5–L’environnement, entre exploitation et protection : un enjeu planétaire (26-28 heures)

L’étude de ce thème a un double objectif : analyser l’évolution des rapports entre les sociétés et leurs milieux, et notamment les changements environnementaux non désirés qu’ils induisent ; en comprendre les enjeux géopolitiques.

  • Le premier axe étudie la complexité des interactions entre les sociétés et leurs milieux, entre exploitation et protection, à travers l’étude de la forêt française depuis Colbert et l’examen de deux moments clefs du rôle de l'humanité dans l’évolution des milieux.
  • Le second axe concerne l’évolution du climat, son impact sur les sociétés, et la manière dont la question climatique met en jeu la coopération internationale.

Introduction : Qu’est-ce que l’environnement ?

  • Définitions, représentations, évolutions de la notion d’environnement : une construction historique, sociale et politique.
  • Un regard sur l’histoire de l’environnement.

Axe 1 – Exploiter, préserver et protéger
Jalon 1 – Exploiter et protéger une ressource « naturelle » : la forêt française depuis Colbert.

Axe 2 – Le changement climatique : approches historique et géopolitique
Jalon 3 – Les fluctuations climatiques et leurs effets : l’évolution du climat en Europe du Moyen Âge au XIXe siècle.

https://www.education.gouv.fr/sites/default/files/imported_files/document/spe254_annexe_1159180.pdf

2. Capacités et méthodes travaillées

  • Analyser, interroger, adopter une démarche réflexive : outre l’acquisition de connaissances, l’enseignement développe les capacités d’analyse et de réflexion en confrontant les points de vue, les approches... En classe terminale, les élèves sont invités à exposer en pleine autonomie ces éléments.
  • Se documenter : l’acquisition de cette compétence est fondamentale pour la réussite dans le supérieur. En classe terminale, une place plus grande est donnée à la documentation autonome des élèves.
  • Travailler de manière autonome : la spécialité demande une part plus grande de travail individuel afin de préparer à la poursuite des études où les élèves, devenus étudiants, sont moins encadrés.
  • S’exprimer à l’oral : tout en consolidant l’expression écrite, l’enseignement de spécialité est un moment privilégié pour développer une expression orale construite et argumentée. La prise de parole en cours est encouragée, tout comme les exposés individuels et collectifs… En classe terminale, les élèves sont encouragés à prendre la parole pendant une durée plus longue, afin de se préparer à l’épreuve orale en terminale.

 

1664 : réformation ordonnée par Louis XIV et Colbert menée par Paul Barillon d’Amoncourt.

1669 : « Grande ordonnance » de Louis XIV et Colbert « sur le fait des Eaux et Forêts ».

1679 : création du premier coche d’eau (navette fluviale) entre Paris et le port de Valvins.

1709 : des millions d’arbres, dont ceux plantés sous Colbert, sont détruits par le gel lors du « grand hiver ».

1716 : nouvel aménagement de la forêt réalisé par Alexandre Lefebvre de la Faluère.

1750 : dernière réformation de la forêt qui est délimitée par un nouveau bornage.

1753 : aménagement du Grand parquet ordonné par Louis XV pour la chasse au fusil.

1791 : la forêt de Fontainebleau est placée sur la liste civile de Louis XVI.

1804 : rencontre du Pape Pie VII et de l’Empereur Napoléon Ier à la Croix de Saint-Hérem.

1807 : réforme de l’administration forestière et du domaine de Fontainebleau par Napoléon Ier.

1822 : arrivée de Jean-Baptiste Corot, artiste peintre, dans la forêt.

1830 : blocage de la ville de Fontainebleau par les carriers réclamant de meilleures conditions de travail.

1832 : la forêt de Fontainebleau est affectée à la liste civile de Louis-Philippe.

1833 : arrivée de l’artiste peintre Théodore Rousseau à Chailly-en-Bière en lisière de forêt.

1839 : parution du premier Guide du voyageur édité par Claude-François Denecourt.

1842 : création du premier sentier de promenade autour des gorges de Franchard par Denecourt.

1849 : arrivée du premier train à vapeur en gare de Fontainebleau-Avon en provenance de Paris.

1853 : création officieuse de la première réserve artistique sous la pression des peintres de Barbizon.

1861 : décret de l’Empereur Napoléon III instituant officiellement la première réserve artistique.

1862 : inauguration de l’hippodrome de la Solle aménagé sur une parcelle forestière défrichée par l’armée.

1868 : début des travaux de l’aqueduc de la Vanne, destiné à alimenter Paris, à travers la forêt.

1871 : création du polygone de tir d’artillerie en forêt de Fontainebleau.

1872 : création du premier Comité de protection artistique de la forêt de Fontainebleau.

1879-1880 (hiver) : destruction des pins maritimes par le verglas et le gel.

1899 : inauguration du tramway entre Melun et Barbizon (supprimé en 1938).

1907 : interdiction d’exploiter les carrières sur le territoire de la forêt.

1907 : création de l’Association des Amis de la forêt de Fontainebleau.

1909 : création du golf de Fontainebleau.

1913 : création de l’Association des naturalistes de la vallée du Loing et du massif de Fontainebleau (ANVL).

1943 : premier parachutage d’armes destinées au réseau de résistance Publican.

1944 : assassinat en forêt de Georges Mandel, ancien ministre de la IIIe république, par la Milice.

1948 : création à Fontainebleau de L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

1953 : création des premières réserves biologiques dirigées et réserves biologiques intégrales.

1962 : début des travaux de l’autoroute A6 qui sépare la forêt de Fontainebleau de celle des Trois Pignons.

1964 : création de l’Office national des forêts (ONF) qui gère depuis lors la forêt de Fontainebleau.

1998 : classement de la forêt de Fontainebleau comme réserve de biosphère par l’Unesco.

1999 : une violente tempête détruit 500 000 arbres de la forêt de Fontainebleau.

2020 : demande de classement de la forêt de Fontainebleau au patrimoine mondial de l’Unesco.

Articles et ouvrages
Sites Internet

Documents

La forêt de Bière, si elle est en priorité réservée aux chasses royales, est utilisée par les communautés voisines qui peuvent y faire paître leurs troupeaux ou y chercher du bois. Pas toujours légalement.

Afin de réprimer ces abus, l’administration royale procède à des réformations destinées à vérifier les droits et les titres des usagers de la forêt. La première réformation de la forêt de Fontainebleau a lieu en 1400. D’autres suivent, en 1528 et 1540 sous François Ier, en 1547-1548 sous Henri II, puis en 1595 et 1608 sous Henri IV.

Lorsque qu’en 1661 Colbert prend la tête de l’administration des eaux et forêts, une grande réformation générale des forêts française est ordonnée, elle concerne bien sûr la forêt de Fontainebleau. Paul Barillon d’Amoncourt est chargé de cette réformation qu’il effectue au pas de charge entre juin 1664 et janvier 1665. Cette réformation qui commence par la délimitation de la forêt par des fossés, murs et bornes est accompagnée d’un ambitieux plan d’aménagement avec un nouveau mode d’exploitation des parcelles et la plantation de milliers d’arbrisseaux, dont des pins maritimes. L'Ordonnance de 1669 « sur le fait des Eaux et Forêts » rédigée par Colbert est le fruit de la Grande réformation de 1661.

En 1697, une moitié de la surface de la forêt est boisée. 50% des « triages » (parcelles) comprennent des futaies (arbres de plus de 40 ans), les autres ne comportent que des taillis (arbres de moins de 40 ans). La forêt de Fontainebleau est bien incapable de fournir le bois nécessaire aux exigences des constructions navales. La forêt de Fontainebleau reste encore et avant tout une forêt consacrée aux plaisirs de la chasse du souverain.

« De par le Roy, Sa majesté étant informée de la nécessité qu’il y a par rapport aux bâtiments de son château de Fontainebleau que le nommé Parisis puisse continuer à travailler à faire de la brique, enjoint aux officiers de la maîtrise particulière des Eaux et Forêts du dit lieu de continuer à travailler à cette fabrique, sans lui donner, ni permettre qu’il lui soit donné, aucun trouble ni empêchement. Fait à Versailles le 23 janvier 1714. Louis. Phelypeaux. »


Le 23 janvier 1714, Louis XIV signe une injonction selon laquelle les autorités responsables de la forêt de Fontainebleau ne doivent pas entraver le travail du « nommé Parisis », entrepreneur, qui pour fabriquer les briques nécessaires au chantier de rénovation du château de Fontainebleau a besoin de bois pour alimenter son four. Cette lettre est contresignée par Louis II Phélypeaux de Pontchartrain, chancelier de France de 1699 à 1714. AD77, 4B120.

Lettres patentes du Roy sur arrest, qui ordonne plusieurs coupes extraordinaires et aménagemens dans la Forest de Fontainebleau. Données à Paris le 10 octobre 1716 (cote : AD77, A127)

Louis par la grace de Dieu roy de France & de Navarre : A nos amez & feaux Conseillers les Gens tenans notre Cour de Parlement à Paris, Salut. Par arrest de nostre Conseil du 29 aoust dernier, Nous avons entr’autres choses ordonné plusieurs coupes extraordinaires, & aménagemens dans nostre Forest de Fontainebleau, & que pour exécution dudit arrest, nos Lettres seroient à cet effet expédiées. A ces causes, de l’avis de nostre très-cher & très-aimé Oncle le Duc d’Orléans Regent, de nostre très-cher & très-aimé Cousin le Duc de Bourbon, de nostre très-cher & très-aimé Oncle le Duc du Maine, de nostre très-cher & très-aimé Oncle le Duc de Toulouse, et autres Pairs de France, Grands & Notables Personnages de nostre Royaume, qui ont vû ledit arrest cy-attaché sous le contre-scel de notre Chancellerie ; Nous, de nostre pleine puissance & autorité Royale, avons ordonné & ordonnons par ces Presentes signées de nostre main, voulons et Nous plaist, que par le Sieur de la Faluere Grand Maistre ancien & en exercice des Eaux & Forests du departement de Paris, il soit au Siege & en presence des Officiers de la Maistrise de Fontainebleau, procedé à la vernte & adjudication, au plus offrant & dernier encherisseur, de quarante-cinq arpents dix perches de bois de nostredite Forest de Fontainebleau, au triage des buttes de Fontainebleau, faisant partie des quatre cens vingt arpens ordonnez etre coupez en nostre dite Forest par l’arrest de nostre Conseil du 2. Octobre 1714. […] Il soit par ledit Sieur de la Faluere, procedé à la vente & adjudication en la manière cy-dessus énoncée, des bois de nostre dite Forest cy-après ; scavoir, de cens soixante-dix-neuf arpens trente-une perches au triage de Montpereux Garde de belle Croix, dont neuf arpens soixante-quize perches de veille futaye de deux cens ans sur la hauteur, trente-neuf arpens cinquante perches de vieux chesnes de pareil âge, garnis de hestres mal-venans, quarante-un-arpens cinquante perches de recrû de futaye de chesnes & charmes de soixante, quatre-vingt & cent ans, lesdits trois articles montans à quatre-vingt-dix arpens soixante-quinze perches, qui seront fermez de treillages par les Adjudicataires, & lesdits treillages entretenus pendant six ans […]. »


Un an après la mort de son aïeul, Louis XV est encore enfant, les affaires du royaume sont aux mains de son oncle le duc d’Orléans qui en assure la régence. La forêt de Fontainebleau, qui appartient au roi, doit assurer au moins deux fonctions : servir de réserve de chasse pour la cour et produire du bois de construction. En 1716, le roi qui n’a que 6 ans, autorise M. de La Faluère, grand maître des Eaux et Forêts de la maîtrise de Fontainebleau à procéder à l’adjudication, c’est-à-dire la vente aux enchères de plusieurs dizaines d’hectares de forêt que les acheteurs pourront défricher. Les arbres qui ont le plus de valeur sont les vieux chênes de plus de deux cents ans. Les acheteurs devront en outre protéger pendant six ans les petits arbres au moyen de treillages destinés à empêcher les cerfs, chevreuils et autres sangliers de manger les jeunes pousses. Il s’agit bien là de préserver la forêt.

[Alexandre Claude Lefebvre de La Faluère (1674-1747), grand maître des Eaux et Forêts de Paris entre 1703 et 1745.]

En 1709, la France subit le plus terrible hiver de son histoire. Lors de ce « petit âge glaciaire » la forêt de Fontainebleau est sévèrement touchée, des millions d’arbres sont détruits par le gel, en particulier les premières plantations de Colbert, dont les pins maritimes incapables de résister au froid. Le dépeuplement est tel qu’en 1716, le Régent, qui gouverne au nom de Louis XV encore mineur, ordonne une nouvelle réformation qui donne l’occasion de dresser l’inventaire complet de la forêt.

Sur les 26 263 arpents de forêt (14 243 hectares) du domaine royal, on recense 8 903 arpents de roches stériles et 3 430 arpents de vides. La forêt de Bière est alors constituée de trois gros massifs boisés isolés au milieu de vastes landes parsemées de bruyères, de genévriers et de bouleaux. À la suite de ce constat, le Régent ordonne de nouvelles plantations afin de développer la production de bois.

Lettres patentes sur arrests, qui ordonnent le repeuplement des Places vaines & vagues de la Forest de Fontainebleau, & l’ouverture de plusieurs routes dans ladite Forest. Données à Paris le 16 mars 1721 (cote : AD77, A133)

« Louis par la grace de Dieu roy de France & ; de Navarre : A nos amez & ; feaux Conseillers les Gens tenans notre Cour de Parlement à Paris, Salut. Par arrest de nostre Conseil du seize Aoust 1720. Nous avons pour les causes y contenües, ordonné le repeuplement en tout et par portion des places vaines & ; vagues de nostre Forest de Fontainebleau, jusqu’à la concurrence de quatre mille arpens, & ; l’adjudication d’icelui au rabais & ; moins disant, aux charges, clauses & ; conditions y portées ; & ; par autre Arrest de nostredit Conseil du 27 dudit mois, Nous avons ordonné l’ouverture de plusieurs routes dans nostredite Forest. […] »


Par un arrêt du 16 août 1721, Louis XV ordonne le reboisement d’environ 1 700 hectares de friches de la forêt de Fontainebleau. Les travaux seront effectués par les entrepreneurs qui proposeront le prix le plus bas lors de l’adjudication. Par un autre arrêt du 27 août 1721 Louis XV ordonne la construction de plusieurs routes dans la forêt. La forêt de Fontainebleau va ainsi passer de massif fermé à un espace sillonné par plusieurs grands axes ancêtres de nos routes nationales.

Transcription d’un extrait du procès-verbal de bornage, 1749 (cote : AD77, 4B33)

L’an mil sept cent quarante neuf le deux octobre et jours suivans ; Je Pierre Helluin de Lannois premier arpenteur de la Maitrise particulière des Eaux et Forests de Fontainebleau soussigné certifie qu’en vertu des ordres Verballes de Monseigneur Le Grand Maistre des Eaux et forests du Département de Paris ; portant qu’il serais par mois procédé à la Reconnoissance des bornes et angles servans à limiter la ditte forest ainsi que les bois Réunys et autres bouquets de bois qui s’en trouve estre détachés ce que j’avais observé exactement aydé de mon ayde arpenteur assisté du Garde de chaque canton j’avois mesuré en leur présence suivant l’indication qu’il m’en auront donné d’angles en angle le pourtour de chaque canton des dittes gardes de la ditte forest ; et auroit aussi remarqué que la plus grande partie des bornes qui existe sont trop faibles pour la limiter et sujettes à estre emporté par les riverains de la ditte forest restante point harmonisés.

Premièrement

 

Bornes existantes

manquantes
La garde de la Croix de Guise 8 57
Croix du Grand Maistre 12 21
Croix de St Hérem 11 41
Croix de Souvray 5 32
Croix de Franchard 9 20
Croix du Grand Veneur 4 13
La Belle Croix 10 3
Croix de Vitry 62 46
La Croix d’Augas, y compris la plaine de Samois, la Boissière ; bois, terres et bruyères de la ferme de Courbuisson , le Bois la Dame, Queue de Fontaine et la plaine de Sarmaize jusqu’à la rencontre du chemin de Bourgogne. 13 149
Total 134 382

Touttes les quels garde j’avois trouvé estre bornées en différens angles de Cent trente quatre bornes dans lesquels il y en a le plus grand nombre de mauvaise partie à raz de terre en outre j’avois trouvé la quantité de trois cents quatre-vingt deux angles non bornés ;

Ce fait je me suis retiré au dit fontainebleau me rapportant à Monseigneur le Grand Maistre pour la Taxe dont acte.

Lannois

Lettre du président de l’administration municipale de la Chapelle-Égalité [la Chapelle-le-Reine] au Citoyen agent forestier de Fontainebleau, 19 fructidor an IV [5 septembre 1796] (cote : AD77, L1903)

« La Chapelle Égalité le 19 fructidor an 4 [5 septembre 1796] de la république française une et indivisible. Au citoyen agent forestier de Fontainebleau. Citoyen, Les loups font encore des dégâts considérables dans les troupeaux qui parquent aux environs de la forêt. L’administration désirerait que vous donniez l’ordre pour une nouvelle chasse de ces animaux voraces et que vous l’instruisiez du jour du rendez-vous. Comme la moisson est finie elle espère qu’il se trouvera beaucoup plus de monde tant pour la chasse que pour les battues qu’à la précédente et qu’il en résultera des effets plus conséquents.

Salut et fraternité. Signature illisible. »


Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les chasses aux loups sont fréquentes dans la forêt de Fontainebleau. Elles sont le privilège des rois. Sous la Révolution et l’Empire, puis au XIXe siècle, des battues sont organisées afin de réduire le nombre de ces prédateurs considérés comme nuisibles qui attaquent parfois les troupeaux paissant sur les lisières. Le dernier loup aurait quitté la forêt de Fontainebleau lors du grand hiver 1879. En janvier 2023, un loup gris, percuté par une voiture, a été retrouvé mort dans la forêt. Peut-être est-ce le signe du retour des loups dans la forêt de Fontainebleau ?

Le citoyen Augustin Frot de Bourron doit recevoir la somme de 4 francs pour avoir effectué deux journées de travail dans la forêt pendant lesquelles il a réalisé des courbes (des pièces de bois découpées en forme d’angle) destinées au chantier naval de Paris pour la construction de chaloupes. Ces embarcations sont destinées au transport de l’armée dans l’éventualité d’un débarquement en Angleterre.

Le reboisement de grandes parties de la forêt de Fontainebleau est effectué de manière artificielle. Afin de pouvoir disposer des plants nécessaires, les arbres sont acheminés depuis la pépinière royale de Versailles qui les acclimate et les cultive. En 1826 notamment 100 pins laricio (pinus laricio), arbres originaires de Corse sont plantés dans la forêt de Fontainebleau, ainsi que 200 genévriers de Virginie (juniperus virginiana), 1 000 bouleaux flexibles (betula lenta), et 4 000 bouleaux noirs (betula nigra). Ces trois espèces sont originaires d’Amérique du Nord. L’heure n’est pas à la conservation d’une forêt aux espèces végétales endogènes mais à l’extension d’un large couvert forestier par l’implantation d’espèces adaptées au caractéristiques du massif de Fontainebleau, y compris exogènes.

Le 20 mars 1830 le roi de France Charles X signe cette ordonnance réglementant l’extraction des pavés dans la forêt de Fontainebleau. Les carrières sont limitées à quelques zones bien délimitées : les rochers Cuvier, Châtillon, Saint-Germain, les gorges d’Apremont… Les rochers les « plus durs » sont réservés aux entrepreneurs du « pavé de Paris » et des ponts et chaussées. D’autres secteurs dont les pierres sont de qualité (le « Banc-Royal » et le Grand Mont Chauvet) sont réservés au château de Fontainebleau. Les carriers doivent être munis de leur « livret-ouvrier ». La fonction de Commissaire carrier est créée dans le but de surveiller les carrières, les entrepreneurs, les maîtres-carriers et les ouvriers-carriers qui y travaillent.

À partir de 1822 Camille Corot est un des premiers peintres à se rendre régulièrement dans la forêt de Fontainebleau. Il y recherche une nature sauvage éloignée, tout en étant proche, de la capitale. L’invention du tube de peinture puis l’ouverture de la voie ferrée font de Barbizon et de la forêt de Fontainebleau le centre d’une succession de regroupements d’artistes aux styles différents qui constituent, même si le terme est contesté, l’école de Barbizon. Outre Corot, les principaux artistes de cette école sont Narcisse Diaz de la Peña, Jean-François Millet, Théodore Rousseau. La forêt de Fontainebleau est devenue un paysage. On ne sait combien d’artistes sont venus en forêt de Fontainebleau mais lors de chaque Salon 10 à 30 peintures exposées sont inspirées de la forêt de Fontainebleau et jusqu’à 65 lors du Salon de 1877. Les peintres ont tout de suite été suivis par les pionniers de la photographie comme Gustave Le Gray.

Pétition des carriers de Fontainebleau adressée au Gouvernement provisoire de la République, contre l’arrêt des commandes de la ville de Paris en pavés pour les rues de la capitale, 20 mars 1848 (cote : AD77, 7S14)

Aux citoyens membres du Gouvernement provisoire. Citoyens. Les soussignés délégués des ouvriers carriers de la forêt de Fontainebleau, vous prient d’accorder votre sollicitation à l’exposé suivant. Depuis plus de deux cents ans, la seule industrie des ouvriers de la ville de Fontainebleau et des communes avoisinantes à la forêt, consiste dans l’extraction des pavés, pour les travaux de route et principalement pour la ville de Paris. Depuis plusieurs années MM. les ingénieurs de la ville de Paris ont cherché sous divers prétextes à restreindre les approvisionnements que la ville avait l’habitude de faire dans nos localités, au profit des particuliers aux environs de Paris. Cependant les travaux publics, des routes, des communes, des compagnies et des particuliers, ayant pris en même temps un plus grand développement, notre industrie n’avait pas encore beaucoup souffert de la restriction faite par MM. Les ingénieurs de l’emploi des pavés de Fontainebleau pour la ville de Paris. Mais Messieurs les ingénieurs ont aggravé notre position, en supprimant presqu’entièrement les provenances de nos localités, au profit de pavés tirés de la Belgique. De plus nous avons appris que dans le projet du nouveau bail, Messieurs les ingénieurs avaient exclus définitivement tous les pavés de Fontainebleau. Nous ne pouvons nous expliquer dans quel but et comment après tant d’années, ou il a été reconnu par expérience, qu’il existait dans la forêt de Fontainebleau, une quantité innombrable, de rochers dont la production était d’une excellente qualité. Messieurs les ingénieurs ont résolu d’anéantir presqu’en partie l’industrie qui fait vivre plus de deux mille familles de français au profit d’ouvriers étrangers. En ce moment surtout les marchands de pavés de Fontainebleau étant encombrés de pavés fabriqués cet hiver qu’ils ne trouvent pas à livrer au commerce par suite de la suspension des affaires particulières, refusent de nous occuper ou d’acheter les pavés que nous avons obtenus de fabriquer pour notre compte, dans les diverses localités de la forêt. Dans cette circonstance, nous venons, Citoyens Gouverneurs au nom de tous les ouvriers carriers de la forêt de Fontainebleau vous prier d’accorder votre protection à notre malheureuse industrie qui dans les temps prospères suffit à peine à nourrir nos familles, malgré les plus pénibles et les plus rudes fatigues. Nous vous prions d’imposer Messieurs les ingénieurs l’obligation 1° de supprimer entièrement les pavés provenant de la Belgique au détriment de notre sol, dont la qualité est au moins égale et de prix infiniment inférieur. 2° L’emploi de nos pavés pour les travaux du gouvernement en concurrence avec ceux provenant des carrières des environs de Paris. 3° L’approvisionnement de la moitié des dépôts de pavés de la ville de Paris pour les travaux d’entretien. Nous pensons citoyens Membres du Gouvernement que votre sollicitude pour tous les citoyens français vous fera accueillir favorablement notre juste réclamation et que vous ne voudriez pas que deux mille familles qui ne demandent que de l’ordre et du travail, puissent périr de misère par l’influence de Messieurs les ingénieurs et par les rigueurs qu’ils exercent sur les fournisseurs de nos produits par suite de préventions injustes. Veuillez Cytoyens [sic] gouvernants agréer l’assurance de notre profond respect. Fontainebleau le vingt mars mil huit cent quarante-huit. Suivent les signatures.


Lettre de la mairie de Paris au préfet de Seine-et-Marne du 9 juin 1848 (cote : AD77, 7S14)

« […] il y a déjà plusieurs années, en effet, que les pavés de Fontainebleau ne sont plus employés aux travaux d’entretien du Pavé de Paris, les motifs de cette exclusion tiennent uniquement à la nature du grès exploité à Fontainebleau. C’est un fait incontestable et démontré par une longue expérience, que le pavé provenant de ces carrières est beaucoup plus tendre et plus attaquable que celui des carrières situées dans la vallée de l’Yvette, de la Marne et de l’Ourcq. Toutefois, et pour procurer dans les circonstances actuelles, un débouché aux produits des meilleurs carrières de Fontainebleau, j’ai par arrêté en date du 19 avril dernier, accepté une soumission qui m’avais été présentée par le Cen Lesieur, pour la fourniture de cent mille pavés de cette provenance qui trouveront leur emploi dans les rues excentriques de Paris. […] Salut et fraternité Le Maire Adjoint Edmond Adam »


 

Si la révolution de février 1848 est le résultat de tensions politiques nées de la montée du sentiment républicain et de l’immobilisme de la Monarchie de Juillet, la crise économique qui a débuté en 1846 a affaibli considérablement le régime. À Fontainebleau le chômage est élevé en raison notamment de l’arrêt des commandes de pavés par la ville de Paris. Les stocks s’accumulent, les salaires ne sont plus versés, la misère menace les carriers et leurs familles. C’est pour cette raison qu’un groupe d’ouvriers carriers rédige le 20 mars 1848 une pétition adressée aux membres du gouvernement provisoire de la République. À leurs yeux la responsabilité de l’arrêt des achats de pavés est à rechercher du côté des ingénieurs de la ville de Paris qui ont choisi d’autres fournisseurs que les carriers de Fontainebleau. Selon les autorités parisiennes c’est la mauvaise qualité des pavés de la forêt de Fontainebleau qui est la cause de la fin de ce marché. Toutefois, dans un temps où le gouvernement provisoire crée à Paris les Ateliers nationaux afin de donner du travail aux nombreux chômeurs de la capitale, il semble difficile de laisser sans emploi les carriers de Fontainebleau. C’est pour cette raison que le Ministère des travaux publics et la ville de Paris consentent à acheter 100 000 pavés de Fontainebleau qui, en raison de leur fragilité, seront posés dans des rues peu fréquentées de la capitale.

Le 16 avril 1850, le conservateur des forêts du 1er arrondissement adresse au maire du village de Thomery situé entre la Seine et la forêt de Fontainebleau un formulaire lui signifiant que « les habitants de la commune de Thomery sont autorisés à introduire […] quarante et une vaches au parcours » dans une partie bien délimitée de la forêt.

Sous le Second Empire la Forêt de Fontainebleau est inscrite dans la liste civile de l’Empereur. La forêt est en si mauvais état que l’administration rédige en 1861 un projet d’aménagement destiné à augmenter la production de bois par l’amélioration des coupes, des semis et des rythmes d’abattage. Si, par rapport à 1716 la forêt de Fontainebleau occupe une surface sensiblement identique (15 342 hectares en 1859 pour 14 243 hectares en 1716), l’occupation des sols est très différente puisque les vides sont passés de 13% à 3% de la surface totale alors que les espaces boisés sont passés de 53% à 97%.

Fontainebleau est une ville de garnison depuis l’Ancien régime, la présence de la cour entraînant automatiquement celle de troupes chargées de sa protection. Avec le Premier empire les militaires se sont installés de façon durable, la ville accueillant les casernes, la forêt étant utilisée comme terrain d’exercice. Avec ses nombreux régiments (infanterie, artillerie, dragons, train des équipages) et son école d’artillerie la présence militaire à Fontainebleau est à son apogée sous la IIIe république.

Après la perte de Metz en 1871, l'école d'application de l'artillerie, alors implantée dans cette ville, a été transférée à Fontainebleau où elle est restée jusqu'en 1940. Les canons destinés à l’instruction au tir d’artillerie étaient installés au sommet du Petit Mont Chauvet – les positions des batteries y sont encore visibles – les obus tombaient dans la zone colorée en rose sur le plan, des sentinelles placées aux lieux indiqués par des fanions rouges veillaient à interdire l’accès du périmètre.

Après la création de l'OTAN et jusqu'en 1967, Fontainebleau abrite le quartier-général du commandement Centre Europe de l'Alliance Atlantique (AFCENT). Pendant près de 20 ans Fontainebleau est devenu une ville internationale. À la fin de la conscription, Fontainebleau a perdu ses régiments, néanmoins avec l’école de gendarmerie et le Centre national des sports de la Défense (CNSD) les militaires y sont encore présents.

Cette carte postale non datée a certainement été éditée au début du XXe siècle. Le cliché montre une exploitation d'extraction de pierre à ciel ouvert située à Noisy-sur-École à la lisière occidentale de la forêt des Trois Pignons. L’exploitation est traversée par des rails sommairement posés sur des traverses en bois destinés au transport des pierres sur des wagonnets visibles en bas et en haut de la pente. De rares arbres, des bouleaux, témoignent de la présence du massif forestier situé à proximité. Au sommet de la pente, un ouvrier-carrier pose, sa taille donne une idée des dimensions de la carrière.

La chasse à courre, ou vénerie, consiste à poursuivre le gibier à cheval avec une meute de chiens courants. Cette pratique de chasse ancestrale a été codifiée sous François Ier qui est considéré par les chasseurs comme « le père des veneurs ». Pratique aristocratique, la chasse à courre s’est tardivement ouverte à un public plus large. En France on comptait 300 équipages en 1914, ils sont près de 400 aujourd’hui, soit 10 000 veneurs, 7 000 chevaux, 30 000 chiens.

Chasse traditionnelle, la vénerie répond à des rituels complexes et utilise une terminologie bien précise. La chasse commence le matin par la recherche d’un animal par des limiers tenus en laisse par les valets de chien. Une fois l’animal repéré, la trompe de chasse signale le départ des veneurs à cheval et de la meute de chiens courants, c’est l’attaque. L’animal traqué se lève (le lancer) puis est contraint de s’enfuir utilisant diverses ruses pour échapper aux chasseurs : il peut franchir un cours d’eau ou rejoindre les traces d’autres animaux pour donner le change. Épuisé, l’animal finit par se laisser prendre, c’est l’hallali. Il est ensuite servi, c’est-à-dire tué d’un coup de dague par un veneur. En vertu du droit de suite, l’animal peut être achevé dans le jardin d’un particulier, dans les rues d’un village ou dans un espace naturel protégé. L’animal est ensuite découpé et sa viande est donnée en récompense aux chiens, c’est la curée.

Aujourd’hui deux équipages perpétuent la tradition de la chasse à courre en forêt de Fontainebleau. Si le nombre d’animaux tués est faible (22 chevreuils et 15 cerfs pour la saison 2014-2015), la vénerie est très décriée car considérée par certains comme cruelle et d’un autre âge.

De son côté l’ONF explique qu’en l’absence de grands prédateurs la chasse « est nécessaire au renouvellement de la forêt ». Les cerfs, chevreuils, sangliers trop nombreux « consomment une quantité importante de jeunes arbres compromettant ainsi la croissance et le renouvellement des peuplements forestiers ». La chasse, au tir surtout ou à courre, serait la « seule solution envisageable pour les plantations. »

Le feu est la catastrophe la plus grave qui menace les forêts comme celle de Fontainebleau. Le risque s’accroit avec les chaleurs de l’été, comme c’est le cas en août 1904 où 300 hectares de forêt – dont le Clovis, un des plus vieux chênes de la forêt – partent en fumée. L’équipement des sapeurs-pompiers de l’époque ne permet pas de lutter efficacement contre le feu. Il n’y a aucun point d’eau dans le massif forestier et les citernes mobiles de l’époque sont très insuffisantes. C’est ce qui explique la mobilisation de soldats de la garnison de Fontainebleau faisant « la part du feu » c’est-à-dire déboisant un couloir de forêt afin que les flammes cessent leur progression.

De nombreux points d’observation ont ensuite été aménagés dans la forêt dans le but, non d’empêcher les incendies, mais de les détecter au plus vite afin de les éteindre avant qu’ils n’aient pris trop d’ampleur. Un réseau de panneaux rappelle aux nombreux visiteurs que les feux de camps ainsi que le jet de mégots de cigarettes sont strictement interdits. Malgré tout, des incendies ravagent encore régulièrement la forêt de Fontainebleau, comme celui du 1er juin 2022 qui a détruit 1,2 hectare de forêt à proximité du Mont-Merle. Ces incendies, de plus en plus précoces dans l’année, sont un des signes du réchauffement climatique qui menace le Massif.

En 1889 la station de biologie végétale est créée sous l’impulsion du botaniste Gaston Bonnier (1853-1922) qui désire offrir aux chercheurs et aux étudiants de l’université de Paris des laboratoires et des moyens de recherche au contact du milieu naturel. L’emplacement a été choisi en fonction la proximité de la gare de Fontainebleau-Avon. L’administration des Eaux et Forêts offre le terrain (une parcelle de 3 hectares), la ville de Fontainebleau installe l’eau et le gaz d’éclairage, le Ministère de l’instruction publique finance la construction des locaux qui sont inaugurés par le président de la République, Sadi Carnot, en 1890.

Gaston Bonnier écrit en 1893 en ces termes au président du Conseil général de Seine-et-Marne afin de demander une subvention du Département (AD77, M1013) :

« J’ai remis à M. le Préfet une demande de subvention du Conseil général de Seine-et-Marne pour le laboratoire de Biologie végétale de Fontainebleau. Ce laboratoire a été fondé pour étudier expérimentalement les questions scientifiques qui se rapportent à l’agriculture, aux forêts et à l’horticulture. Les résultats obtenus depuis trois ans, l’extension donnée aux cultures expérimentales, la nature des questions traitées au point de vue de leurs applications pratiques, semblent justifier cette demande que je me permets de placer sous votre haute protection. […] »

La station de biologie végétale a connu plusieurs extensions en 1913, 1920, 1955 et 2015. Il appartient désormais à l’Université Paris Cité qui poursuit les missions initiées par Gaston Bonnier.

Vert-Vert, revue indépendante, n°29 du 22 octobre 1908 est un tract conservé dans le fonds de l’Association des Amis de la forêt de Fontainebleau (cote : AD77, 68J1). L’auteur anonyme de cette feuille dénonce « la menace de la destruction presque totale qui plane sur le faîte des chênes centenaires […]. De tous côtés, des hectares rasés par la hache des bûcherons ; des rochers et des arbres géants que l’on retrouve sur les toiles de Rousseau et de Diaz, livrés à l’exploitation et au commerce comme de la marchandise vulgaire. Le caractère esthétique, peut-être unique au monde de ces gorges et de ces défilés, gâchés, décoloré, profanés par une administration des folles dépenses et de vandalisme. »

La collection des guides Joanne a été fondée en 1840 par Adolphe Joanne (1813-1881) avocat et journaliste. Elle couvre de nombreuses régions et capitales d’Europe ainsi que quelques lignes de chemin de fer. Ouvrages reconnus pour leur exactitude et leur sérieux, les guides Joanne jouissent d’une renommée universelle.

Avant la nationalisation des compagnies de chemin de fer et la création de la SNCF en 1938, la Compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon et à la Méditerranée (PLM) assurait le transport de passagers vers le quart sud-est de la France, en particulier vers les Alpes et la Côte d’Azur. Le PLM, spécialisé dans le tourisme, assure aussi les liaisons avec toutes les gares situées à proximité de la forêt de Fontainebleau. Avec l’inauguration de la gare de Fontainebleau-Avon en 1849, la forêt de Fontainebleau est, selon un slogan publicitaire du début du XXe siècle située « à une heure de Paris », ce qui entraîne l’afflux de Parisiens en quête de « grand air » les dimanches d’été.

Créé en 1909 le golf de Fontainebleau est un des plus anciens de France. Le parcours est situé en pleine forêt de Fontainebleau mais à proximité immédiate de la ville. Avant d’être affecté au golf, cette parcelle, sous le nom de « Petit parquet » était un parcours de chasse au fusil réservé aux souverains en résidence au château. Si le golf est géré par une société privée, la SGF, le terrain reste la propriété de l’État. Les spécialistes considèrent que le golf de Fontainebleau est, encore aujourd’hui, un des plus beaux et des plus luxueux, d’Europe.

Le Club alpin français est fondé à Paris en 1874. Dès le début du XXe siècle quelques alpinistes ont pris l’habitude de venir grimper sur les rochers de la forêt de Fontainebleau. En 1924 certains d’entre eux, dont Maurice Martin, créent le « Groupe de Bleau » (GBD) et viennent dans la forêt tester de nouvelles techniques d’escalade et de nouveaux matériels. Coupés des Alpes pendant la Seconde Guerre mondiale ces grimpeurs investissent les rochers de Fontainebleau qui deviennent dès lors le cœur de l’escalade française. Ils sont membres d’associations parfois affiliées aux fédérations de sport populaire comme la FSGT. De nouvelles voies sont ouvertes, des guides sont publiés, une signalétique avec des niveaux de difficulté sont mises au point. Le loisir de la grimpe est devenu un sport.

Ce courrier de la Direction générale des eaux et forêts rappelle que la forêt de Fontainebleau a été le « berceau des campements sportifs français ». En 1954, trente camps (on utilisait alors assez peu le mot camping) sont ouverts à Fontainebleau.

Au cours de l’année 1994, un groupe de militants écologistes radicaux – les « éco-guerriers » – s’attaque à l'Office national des forêts (ONF) : arrachages de plants, menaces, destructions de barrières, clous plantés dans les arbres pour abimer les tronçonneuses des bucherons, etc. Trois d’entre eux sont mis en examen puis écroués durant 24 jours à la demande des magistrats de Fontainebleau, estimant que la nature de leurs actions portaient notamment atteinte à la sécurité d'autrui. Jugés en 1996, ils sont condamnés à payer 70 000 francs (environ 10 000 euros) de dommages et intérêts, à des travaux d’intérêt général et à 3 à 6 mois de prison avec sursis. Ces actions illégales illustrent une radicalisation du débat sur l’exploitation de la forêt de Fontainebleau et ont pour effet sa médiatisation au niveau national.

La réserve biologique intégrale (RBI) du Gros Fouteau et des Hauteurs de la Solle est l’une des plus vieilles réserves intégrales de France. Créée en 1953, elle succède aux réserves artistiques protégées dès 1853, sous Napoléon III, à la demande des peintres de l’École de Barbizon. Cet espace exceptionnel, qui se développe comme une forêt primaire, est protégé afin que forestiers et scientifiques puissent observer comment évolue une forêt lorsque les hommes ne touchent à rien. 1 050 ha de la forêt de Fontainebleau (sur 22 000) sont classés RBI ; 1 300 ha sont classés en Réserve biologique dirigée (RBD) dans lesquelles les forestiers interviennent dans le but de favoriser le développement de telle ou telle essence végétale

La forêt de Fontainebleau produit en moyenne 3,70 m3 de bois par hectare et par an soit au total 36 600 m3 par an. Certaines années la production dépasse 60 000 m3, voire 85 000 m3. Les coupes d’arbres réalisées en forêt sont un sujet sensible qui voit s’opposer les utilisateurs de la forêt. D’un côté l’ONF qui gère « l’aménagement de la forêt » et qui doit assurer le « renouvellement des peuplements vieillissants » et de l’autre les promeneurs et les associations qui dénoncent les coupes massives, en particulier les coupes rases (ou « coupe à blanc-étoc ») de plusieurs hectares, et la dégradation des chemins forestiers qui défigurent les paysages forestiers.

Sur les tas de bois déposés sur les bords des routes forestières, l’ONF installe des panneaux destinés à informer le grand public sur les raisons de l’abattage des arbres. La dimension écologique de l’exploitation forestière est placée à égalité avec les raisons économiques qui longtemps ont été suffisantes pour expliquer la coupe des grands arbres.

Approche par les élèves

  • Dressez la liste des différents usages de la forêt de Fontainebleau depuis le règne de Louis XIV.
  • Classez ces usages en deux catégories :
    • l’exploitation des ressources
    • l’utilisation récréative de la forêt
  • Peut-on constater une évolution dans le temps de ces usages ?

  • Dressez la liste chronologique des différents acteurs de la protection de la forêt de Fontainebleau.
  • Quels moyens utilisent-ils ?
  • Ces moyens évoluent-ils dans le temps ?

  • En quoi, les différents usages de la forêt de Fontainebleau entrainent des conflits ?
  • Qui sont les acteurs de ces conflits ?
  • Constate-t-on une évolution chronologique de ces conflits ?

En fonction des choix pédagogiques du professeur, plusieurs consignes de rédaction du bilan peuvent être proposées aux élèves :

  1. En analysant les documents qui vous semblent les plus pertinents, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, montrez que la protection de la forêt de Fontainebleau depuis Colbert est à mettre en relation avec l’évolution de ses usages.
     
  2. En analysant les documents de votre choix, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, montrez la permanence et les ruptures dans la protection de la forêt de Fontainebleau depuis Colbert.
     
  3. En analysant les documents de votre choix, en les confrontant et en vous appuyant sur vos connaissances, répondez à la question suivante : la forêt de Fontainebleau est-elle une « forêt naturelle » ?

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