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Droits de l'Homme et statut de l'étranger en région parisienne de la chute du Second Empire à la fin de la IIIe République

Dans la continuité d’un mémoire de master 2 en Histoire, Droit et Droits de l’Homme, intitulé « Droits de l’Homme et statut de l’étranger à travers l’exemple de la Seine-et-Oise de 1870 à 1918 » soutenu le 16 juin 2006 à la Faculté de Droit de Grenoble, il s’agit de mener une étude comparative à partir des archives existantes qui devrait permettre d’obtenir une vision assez complète de la façon dont fut exécuté en région parisienne le statut de l’étranger de la chute du Second Empire à la fin de la IIIe République au regard de la problématique des droits de l’Homme.

La recherche initiale effectuée à partir des archives de la Seine-et-Oise a ainsi fourni l’illustration d’une manière dont le statut des étrangers, alors en vigueur durant cette période, fut appliqué sur le terrain dans ce département entre 1870 et 1918, avec trois traits caractéristiques en marquant la mise en œuvre, à savoir :

  • 1) une application contrastée de la réglementation relative aux étrangers dans cette circonscription administrative illustrée par :

- l’exécution laborieuse et entachée de négligences des textes obligeant les étrangers à procéder à une déclaration de résidence à la mairie de leur commune d’installation (décret du 2 octobre 1888 pour les allogènes non actifs et loi du 8 août 1893 pour ceux désirant exercer une activité) ;

- le pragmatisme prévalant dans la mise en œuvre de la loi du 16 juillet 1912 sur l’exercice des professions ambulantes et la réglementation de la circulation des nomades en raison de contraintes juridiques et techniques. La même attitude pragmatique est constatée avec les déserteurs étrangers, notamment allemands déclarant vouloir se fixer en Seine-et-Oise ;

- l’application des mesures d’exception avec une sévérité particulière à l’égard des Austro-Allemands durant la guerre de 1914-1918, mais avec une rigueur moindre pour les autres étrangers excepté les nomades sous étroite surveillance et tenus constamment éloignés de ce département. Si les Alsaciens-Lorrains reconnus d’origine française bénéficient d’un traitement de faveur, certains rencontrent des difficultés, se voyant appliquer à tort les textes concernant les étrangers ;

- les problèmes rencontrés pour mettre en œuvre le décret du 2 avril 1917 instituant la carte d’identité des étrangers, pour des raisons d’ordre matériel et du fait d’incertitudes sur la portée de ce décret, parfois mal exécuté.

  • 2) le souci constant de surveiller les allogènes installés en Seine-et-Oise se traduisant par une surveillance s’exerçant dans deux directions :

- la première porte sur la présence d’ouvriers de nationalité étrangère en vue de prévenir et d’empêcher les incidents avec les Français (travailleurs ou non) ou d’en limiter les conséquences.

- la seconde concerne la vigilance spécifique exercée entre 1887 et 1914, à l’égard de certains étrangers, en particulier les Allemands suspectés par avance d’espionner, et l’observation attentive de l’évolution de l’immigration allemande en rapport avec l’état des relations franco-allemandes. Cet aspect est lié à la situation particulière de la Seine-et-Oise (une partie de son territoire est incluse dans le périmètre du camp retranché de Paris) et à sa spécificité sur le plan militaire (garnisons, installations défensives, sites sensibles). Avec la guerre de 1914-1918, les étrangers résidant en Seine-et-Oise font l’objet d’une surveillance accrue, laquelle concernera plus particulièrement les Russes dès la fin décembre 1917 à la suite de la révolution en Russie.

  • 3) l’application du statut des étrangers dans ce département de 1870 à 1918 s’est accompagnée de certaines violations des droits de l’Homme à leur égard en temps de paix comme en période guerre. Cependant, ces atteintes indéniables aux droits des étrangers ne permettent pas de dresser un tableau négatif de la situation et du respect des droits de l’Homme à leur encontre en Seine-et-Oise, excepté en certaines circonstances durant la guerre de 1914-1918. Globalement, le bilan apparaît plutôt être en demi-teinte en raison du souci, bien réel, de l’ensemble des autorités publiques départementales, d’assurer la sécurité physique des travailleurs étrangers, notamment italiens, et de leurs biens en veillant à prévenir toute rixe avec des ouvriers français ou du moins à en circonscrire les conséquences, sans omettre le bon accueil réservé aux déserteurs étrangers, en particulier allemands, ni le comportement de certaines autorités ou administrations ayant pour conséquence indirecte de favoriser le respect des droits des étrangers (le droit à la vie privée, le droit au secret), même si telle n’était pas la finalité.

Pourquoi s’arrêter à la fin de la IIIe République et ne pas continuer jusqu’à la Libération (août 1944) ? Si la condition des étrangers et la manière dont ils furent traités entre 1940 et 1944 dans les départements de la région parisienne méritent aussi d’être étudiées à partir des mêmes sources documentaires brutes, il n’en demeure pas moins que cette période revêt un caractère particulier (occupation de la France, régime d’exception de Vichy).

Compte tenu du premier travail réalisé, il a semblé plus cohérent de le poursuivre sur toute la durée du même régime politique et constitutionnel (la IIIe République). À cette fin, pour en confronter les résultats et le bilan, il a paru nécessaire d’étendre le champ territorial de l’étude, c’est-à-dire d’examiner la manière dont fut appliqué sur le terrain, de 1870 à 1918, le statut de l’étranger à partir des archives des autres départements constituant la région précitée (départements de la Seine et de la Seine-et-Marne), et de la prolonger dans le temps par rapport à la période déjà examinée (1870 à 1918 pour la Seine-et-Oise) en y ajoutant pour les départements de la Seine, de la Seine-et-Marne et de la Seine-et-Oise, celle de 1919 au 10 juillet 1940 (loi constitutionnelle confiant au gouvernement présidé par le maréchal Pétain le soin d’élaborer une nouvelle constitution).

Présentation de Jean-Paul Boire

Après des études supérieures en Droit public et Administration des collectivités locales, Jean-Paul Boire est entré au service d’une commune dans une carrière administrative qu’il poursuit actuellement. Ayant repris ses études, il a soutenu en 2006 un Master 2 en Histoire, Droit, Droits de l’Homme à la Faculté de Droit de Grenoble. Il prépare depuis 2007 un doctorat de Sciences juridiques et politiques à l’Université de Paris X – Nanterre.