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Nouvelles acquisitions, Culture & loisirs
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Cette lettre est écrite par Madame Elisabeth à madame Etlinguers, nom d’exil de madame de Polignac.
Elisabeth de France (1764-1794), dite Madame Elisabeth, est la dernière des sœurs de Louis XVI. Au moment de la Révolution française, elle refuse tout compromis et s'oppose à la monarchie constitutionnelle. Soutien indéfectible de son frère, elle refuse de s'exiler contrairement à d'autres membres de sa famille. En juin 1791, elle accompagne Louis XVI et Marie-Antoinette dans leur fuite. Arrêtée à Varennes, puis emprisonnée à la prison du Temple, elle est guillotinée en mai 1794.
Madame de Polignac (1749-1793), de son nom de jeune fille , Yolande de Polastron, est l'épouse du comte Jules de Polignac. Amie proche de la reine Marie-Antoinette, elle est gouvernante des Enfants de France à partir de 1782. Lors de la Révolution, elle part en l’exil en Suisse, en Italie, puis en Autriche où elle meurt en 1793.
Madame Elisabeth donne des nouvelles de la famille royale et de la cour, dans ces jours agités qui séparent la prise de la Bastille de la « nuit du 4 août » marquant l’abolition des privilèges : « Paris est calme, mais les provinces ne le sont assurément pas », qui fait allusion aussi à « la Grande peur ». Elle évoque la nomination de nouveaux ministres aux postes clés par Louis XVI, la santé de sa nièce Madame Royale, et la suite d’un évènement s’étant produit en Seine-et-Marne : l'arrestation de monsieur de Bésenval.
Quelques jours plus tôt, monsieur de Bésenval, responsable des forces armées d’Ile-de-France, à qui le roi avait conseillé de partir à son tour en exil, est arrêté à Villegruis près de Provins. C’est aux confins de l’actuelle Seine-et-Marne et de l’Aube qu’il est reconnu et ramené de force vers Brie-Comte-Robert, où il est incarcéré. Personnage important dans ce contexte de guerre civile naissante, le « j’espère qu’il ne lui arrivera rien de fâcheux » de Madame Elisabeth atteste l’inquiétude que suscite alors le sort des royalistes pour ceux demeurant à Versailles…
Au-delà de la passionnante « prise de température » de l’état de la France dans ces jours critiques et la finesse d’analyse d’une personne stratégique de la cour, c’est « l’effet de miroir » de l’épisode briard contenu dans cette lettre qui offre de l’intérêt. Et ce d’autant plus que la fortune critique de l’estampe révolutionnaire de « l’Arrestation » amplifie le succès que l’image eut dans la presse de l’époque. En effet, en 1989, pour la commémoration de la Révolution, c’est cette estampe que la ville de Brie choisit de rééditer ! Un document étonnant donc, rédigé en plein premier « virage » pris par la Révolution à l’égard de la monarchie, et seulement quelques heures avant l’anéantissement de plusieurs siècles de féodalité par l’abolition des privilèges.
Transcription de la lettre
L'orthographe est fidèle au texte d'origine.
A Madame Charles Etlinguers – Ce 4 août 1789
vous avés du recevoir une lettre de moi,
j'aurois adressés celle cy à Bale comme
vous me le marqués, si l'on ne m'avait pas
dit aujourd'huy que vous quittiés cette ville,
c'est donc encore à Soleure que je vous
dirai que nous nous portons tous bien
au phisique, notre ainée est soufrante infiniment
depuis huit jour, sans causer la moindre
inquietude, Paris est calme, mais les
provinces ne le sont assurement pas, on
dit que le maire de St-Denis a été pendu hier.
Mr le B. de Besenval est toujours à Brie, j'espère qu'il ne lui arrivera rien de facheux,
l'on s'occupe lentement de la
constitution, tout cela sera encore bien long,
le Roy a només ce matin les ministres Mr
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de La Tour du Pin est à la guerre, l'archeveque de Bordeau
garde des sceaux, l'archeveque de Vienne va remplacés celui de Lion,
le maréchal de Beauveaux entre au conseil.
Nous sommes enfin parvenu à avoir
de la chaleur, elle a été bien tardive,
au moins faudroit il qu'elle dura qu'elque tems.
Vous aurés bientot le plaisir de voir une
personne qui me devient de jour en jour
plus chere, elle me donne de ses nouvelles
avec une exactitude qui m'enchante. J'espere
Madame avoir bientot des votres, et que
vous ne doutés pas de l'interets que j'y
rents, ainsi que des sentiments que j'ai
pour vous.